King of a Hundred Horsemen

Dans mon enfance, j’avais appris a courir vite autour
des tables.
Plus je courais, moms je me faisais prendre.
Les Père Noel exacts venaient jusqu’aux tropiques, ils
m’apportaient des livres, que je lisais, réécrivais.
Je les ouvrais avec mes doigts en les tenant par le mi-
lieu, pas besoin d’outillage.
On m’appelait cher douloureux.
J’avais appris très tôt ce qu’il en coûte de porter. Mes
fardeaux, par la suite ne firent qu’augmenter.
C’était la guerre, je n’en revenais pas, je ne m’en remis
pas.
Nous étions partis loin, je m’habituais à être ailleurs, le
non nommé.
J’insiste donc : écrire, c’est prendre son élan pour dé-
mêler le blanc.
Les Barbares étaient deux, étaient dix, étaient mille, on
ne les voyait pas mais on les entendait.
Petites rues à angles droits. Derrière les volets clos, les
ombres d’une fête.
Quand j’arrivai dans le jardin, les invités tournaient les
broches, les femmes s’asseyaient au milieu de leur robe.
Chacun mangeait à pleines mains le riz et le poisson
dans des cuvettes émaillées.
Velours, suint des agneaux.

11.

 J’ai voyagé ma vie durant dans des pays aux noms
superbes. Je suis entré dans leurs légendes comme si j’étais
moi-même un roi.
<< But I’m also keen on roses. >>

J’ai remonté les fleuves jaunes dans des bateaux
rapetassés, escalade les mille monts et traversé les ma-.
récages.
<< But I’m also keen on roses. >>

Dans ces pays devenus miens j’ai construit routes et
maisons, ponts, aqueducs et voies ferrées, nourri, soigné
parfois guéri.
<< But I’m also keen on roses. >>

J’y ai aussi porté le feu de nos canons et de nos bombes,
detruit, tué, enseveli car ces pays n’étaient pas miens.
<< But I’m also keen on roses. >>

Mais à présent je me repose entre la mer et la mon-
tagne, je lis les livres pour comprendre quel est le sens de
toute chose.
<< But I’m also keen on roses. >>

17.

Conversation. Excitation.
Et surenchère.
On crie. Fatigue.
La campagne, au-dehors, magnifique.
On gouverne très peu. Mais au moins décider du pos-
sible.
Toute idée de la mort ramène au désamour. Toute mort :
celle-là.
L’effort pour être au monde. La lutte.
Garder les yeux ouverts quand les paupières pésent.
Un cauchemar.
L’éveil et le salut.
Iniquité de la conversation.
Merveille de l’écrit, goût de l’écrit.
Ce sont les autres qui épuisent.
Ma quantité de solitude nécessaire.

35.

Plus elle parlait, plus ça s’obscurcissait.
Elle s’enfonçait dans la forêt partout et elle voyait la
mer.
Occupée à tenir mes pensées je ne peux pas penser, je ne
peux pas non plus empêcher les images.
— Dégorgeoir pour les huîtres.
<< On les sort de la mer et on les met dans des bassins,
qu’elles soient moins naturelles. >>
Il lui avait porté un coup.
Elle était restée seule en compagnie de sa blessure, ne
voulant pas mourir.
— Un port qu’on désensable.
<< Les animaux, il n’y a rien à faire qu’à les manger. Le
pire serait de les jeter.
<< Les pierres, c’est différent, quand elles sont enlevées a
la terre ou au sable, elles perdent leurs couleurs, il n’y a
plus qu’à les jeter. >>
Elle connaît le tableau sans l’avoir jamais vu.
Le blessé amené sur la plage, assis dans un fauteuil, dos
à la mer, au spectateur. Le peloton de face.
— On avait nettoyé sa maison. Tout conserve intact.
Traversée de la peau.
TRAVERSÉE DE LA PEAU.

77.

 

Lawrence Ferlinghetti emmène Lam en prome-
nade.
Il a placé son chien entre eux, pour éviter que les pas-
sants ne le bousculent.
Aveugle et blanc comme la tête du poète.
— J’espère, dit-il, en remuant ses lèvres, humides et
roses, et attachant le chien, que cette fois je ne l’oublierai
pas toute la nuit.
Lam fait un rêve.
Il est dans un palais.
Les murs sont des étoffes et les appartements s’emplis-
sent d’eau.
Cependant que les femmes disparaissent, derrière des
paravents, les hommes se consultent.
Les parois sont mouillées par la mer.
En se penchant par les fenêtres il aperçoit la rade,
d’autres palais semblables, éclairés par le jour déclinant.
— Je crois que je confonds, que je suis à Venise, dans
un rêve de peinture.
Tournée vers le Seneca Lake, la Française a un air
— Ici, ni barrières, ni haies.
<< En l’absence de limites, le regard ne peut pas s’ar-
rêter.>>

79.

Les vents insistent.
Ils sorit dits vents constants. Tu observes.
Depuis les chambres, depuis les tentes, ou sur les routes.
Les vents vont vite.
Contrairement à nous, les vents vont vite.
Soit ils tournent, soit ils creusent.
Mais toujours ils s’échauffent, ils soulèvent.
Ils sont ailleurs et toujours là, dans nos cheveux, sur nos
figures.
Tu aimerais qu’ils cessent. Tu t’accroches pour ne pas
leur céder.
Mais ils sifflent.
Tu ne peux pas ne pas entendre. Être dehors.
Dehors d’eux et du sable.
L’émotion est trop forte. Tu peux tomber.
Faire une tache.